« naissances de mères »
d’où est née l’envie de ce projet ?
Un jour, je suis devenue mère, et ce passage à l’état de mère, créa son bouleversement, un désordre distillé peu à peu. J’ai eu envie de décortiquer ces émotions.
J’avais toujours considéré les mères et la maternité comme quelque chose d’inintéressant, je voyais cette expérience comme tellement «normale» et «naturelle» que je ne l’avais jamais questionnée, ni supposé qu’elle pouvait être questionnée, j’étais dans cette «image» lisse de la mère épanouie, heureuse d'enfanter, naturellement «bonne».
Traversée du miroir aboutissant au réel, je me suis aperçue que personne autour de moi ne parlait de la «vraie maternité», au sens où elle serait décrite dans son entière réalité. C’est-à-dire, comme d’une aventure qui remue en soi tous les sentiments, et ceux parmi les plus archaïques: le désespoir, la rage, l’ennui, la colère, ces émotions qui sont si loin des images de douceur et de calme. Une maternité qui bouleverse notre vie 'extérieure' (amoureuse, sociale) mais aussi 'intérieure'. Une sorte de nouvelle naissance.
L'ambivalence qu'on peut ressentir lors de la maternité est taboue, touchée par une sorte d’interdit qui empêche de la décrire, d’en parler telle qu’elle est, cachée par cette iconographie de mères penchées béatement sur leurs enfants.
De cette expérience, j'ai voulu comprendre pourquoi ce tabou, je me suis tout naturellement dirigée vers ma mère et mes grands-mères, elles m'avaient tu cette maternité dans toute sa réalité
ambivalente, allaient-elles parler maintenant? Cela ne s'est pas produit, j'ai donc cherché dans les femmes de mon entourage, femmes mûres et âgées, mais cette maternité bouleversante ne put
s'extraire de l'image glacée. Finalement, ce furent quatre jeunes femmes de ma génération qui, le nez dedans, prirent la parole, une parole qui traduisait cette complexité à vivre la maternité.
Et le documentaire radiophonique naissances de mères a émergé lentement.
Il est donc un récit à quatre voix: quatre femmes qui témoignent et qui sont en train de vivre ces
changements qui surviennent au moment de devenir mère, surtout par rapport à soi, à son individualité.
Une maternité aux émotions contrastées.
Bouleversement intime où tous les repères se redessinent.
Avec ce nouveau projet, j'ai mal à ma maternité, je voudrais aller plus loin, et traverser la
crise identitaire par le biais de femmes chez qui les conséquences ont été exacerbées, qui
sont devenues vides et qui ont perdu le goût de la vie. Tenter de percer ce mystère.
Le corps médical a pensé qu'on pouvait surveiller une grossesse sans s'occuper des émotions, or les émotions doivent être reconnues. Espace du psychique dans le physiologique.
Que se passe-t-il dans la peau d’une mère dans la situation extrême de ce que l’on nomme «difficulté maternelle» ou «dépression postnatale». Comment comprendre ce qui se joue, pour la femme devenue mère, dans ce bain des injonctions contradictoires entre désir humain, sociétal, et familial? Qu'est-ce que la « dépression post-natale »? Est-ce la difficulté de créer du lien avec son enfant qui fait qu'on entre en dépression, ou la dépression amène-t-elle les problématiques du lien avec l'enfant? Comment raconter cet indicible pour le partager afin que chacun puisse s’en prémunir mais surtout afin de soulever en chacun des graines d’empathie. On veut savoir la maternité nécessairement heureuse, et si elle ne l’est pas, les interlocuteurs de la femme devenue mère, n’auront pas accès à son être.
J’ai envie de montrer le visage de la maternité dans sa complexité, si loin de cette image de papier glacé.
